Climat arctique

Le climat se définit comme les conditions météorologiques moyennes à un endroit donné sur plusieurs années. Il est décrit par un ensemble de variables climatiques incluant la température de l’air, la vitesse du vent, ou la quantité de précipitations tombées sous forme de neige ou de pluie. Le climat spécifique d’une région peut être déterminé en mesurant les conditions météorologiques pendant une longue période temporelle et en calculant ensuite différentes variables climatiques. Ces conditions météorologiques sont mesurées à l’aide de stations météorologiques automatisées. Ces dernières sont de grandes tours équipées de divers instruments enregistrant, par exemple, l’intensité de radiation solaire incidente, la température de l’air, la hauteur du manteau neigeux et la vitesse du vent. Un grand avantage des stations météorologiques est qu’elles permettent d’enregistrer les données météorologiques automatiquement pendant une année entière sans supervision. Sur l’Île Bylot, de plusieurs stations météorologiques sont en place et enregistrent des données météorologiques depuis 1994.

Connaître le climat est intéressant puisqu’il affecte beaucoup d’éléments de nos vies : il détermine quelles espèces animales nous entourent, quelles plantes poussent, quels vêtements et quels types de maisons nous avons besoin, ou encore est-ce que la journée sera froide ou chaude. En Arctique, où les communautés vivent très près de la nature, le climat a une influence particulièrement importante. Il détermine l’abondance d’animaux qui peuvent être chasser pour répondre à leurs besoins alimentaires, il détermine la quantité de neige qui tombe, ou encore quand la banquise s’installe ou disparaît. Autrement dit, le climat joue un rôle structurant dans l’évolution de l’écosystème et de la société humaine où nous vivons. Toutefois, le climat n’est pas constant et change à travers le temps, ce qui a un impact considérable sur la vie végétale et animale, ainsi que la société humaine. Pour prendre connaissance des changements climatiques et connaître les impacts possibles, le climat doit être surveillé en continu et sur de longues périodes. En surveillant le climat, les scientifiques ont démontré qu'il change actuellement beaucoup et que le monde se réchauffe, en particulier dans l'Arctique.

Le climat de l’Île Bylot

Figure 1 À l’Île Bylot, le climat est fortement contrôlé par l’alternance entre la nuit et le jour polaire. La nuit polaire représente la période où le soleil ne se lève jamais et où les journées consistent en 24 heures d’obscurité. Cette période s’étend du début du mois de novembre à la fin de janvier (zone grise sur la figure). À l’inverse, le jour polaire représente la période où le soleil ne se couche jamais et les journées consistent en 24 heure de lumière. Cette période s’étend du début mai au début août (zone orangée sur la figure). Puisque la nuit polaire et le jour polaire s’alternent, la quantité d’énergie provient du soleil varie considérablement. L’énergie provenant du soleil, également appelée radiation solaire, est directement liée aux variables climatiques puisque cette énergie réchauffe l’air et le sol. Par conséquent, la quantité de radiation incidente détermine la température de l’air et la couverture de neige, en plus de contrôler la température du sol. L’étroite relation entre la radiation solaire incidente et les variables climatiques se précise lorsque nous regardons leur variation annuelle illustrée dans les figures suivantes.
Figure 2 Radiation solaire annuelle - La ligne rouge sur la figure illustre les moyennes journalières à long-terme de la radiation solaire reçue en watts par mètre carré (W/m²). La partie ombragée autour de cette ligne montre l’écart-type, un paramètre servant à indiquer à quel point les valeurs annuelles sont dispersées autour de la moyenne, i.e. plus cette zone ombragée est grande, plus les valeurs varient entre les années. Le graphique de la radiation montre clairement les variations extrêmes dans l’apport de radiation solaire dû à l’alternance entre le jour polaire et la nuit polaire. Durant la nuit polaire, entre le début novembre et la fin janvier, l’apport en radiation solaire est de 0 W/m² puisque le soleil ne se lève jamais. Dès les premiers levers de soleil vers de la mi-janvier, l’apport de radiation solaire augmente constamment jusqu’à la période de jour polaire. Le 21 juin, le soleil atteint sa plus haute élévation dans le ciel. Ce moment s’appelle le solstice d’été et correspond à la journée où la radiation solaire atteint son maximum. Après le solstice d’été, le soleil entame une descente graduelle. Le premier coucher de soleil a lieu au début du mois d’août. La radiation solaire reçue diminue donc jusqu’à atteindre un seuil de zéro en novembre lorsque la nuit polaire recommence. Il est intéressant de constater que la courbe de radiation solaire présente une grande variation durant la période de jour polaire. Cette dernière est sans doute causée par une augmentation de la couverture nuageuse. La présence de nuages dans le ciel empêche les radiations solaires d’atteindre le sol et diminue considérablement la quantité de radiations reçues. Cependant, les journées nuageuses ne sont pas les mêmes d’une année à l’autre. Ainsi, nous remarquons que les valeurs moyennes montrent de grandes variations.
Figure 3 Température annuelle de l’air - La variation de la température de l’air pendant une année complète est représentée par la ligne rouge sur la figure (la région ombragée représente l’écart-type). La comparaison de la courbe de température de l’air avec celle de la radiation solaire montre à quel point ces deux variables sont reliées l’une à l’autre. Pendant la nuit polaire, la température de l’air est très faible, variant entre -30°C et -35°C puisqu’il n’y a aucune chaleur provenant de la radiation du soleil. Lorsque la nuit polaire se termine en janvier, la radiation solaire et la température de l’air augmentent. Alors que l’apport en radiation continue d’augmenter, la température de l’air augmente également, atteignant un maximum d’environ 9°C à la fin de la période de jour polaire. En août, lorsque le jour polaire se termine et que les nuits recommencent, aucune radiation solaire n’atteint le sol pendant la nuit. Cette période constitue ainsi le commencement d’une diminution globale de la température de l’air.
Figure 4 Épaisseur annuelle de la neige au sol - La ligne rouge sur la figure représente l’épaisseur moyenne du manteau neigeux en mètres (la zone ombragée représente l’écart-type). La variation de l’épaisseur de neige dépend principalement de la température de l’air puisque la neige n’est présente que lorsque la température de l’air est inférieure à 0°C. Cette corrélation entre la température de l’air et l’abondance de neige au sol est évidente lorsque nous comparons les deux figures en question: au début du mois de juin, lorsque la température de l’air est supérieure à 0°C, l’épaisseur de neige diminue drastiquement. Cette diminution rapide est causée par une importante fonte de la neige, une conséquence directe des températures de l’air au-dessus du point de congélation. Alors que la température de l’air reste au-dessus de 0°C entre le mois de juin et le début septembre, il n’y a aucune accumulation de neige et l’épaisseur de neige reste à 0 m (ou très près de zéro). Le graphique illustre également que l’accumulation de neige recommence seulement au début de septembre. Cette période correspond au moment où la température de l’air devient inférieure à 0°C. Il est intéressant de constater que la courbe d’épaisseur de neige augmente considérablement entre la fin du mois de février et le début de l’épisode rapide de fonte en juin. Cette augmentation indique que d’abondantes précipitations neigeuses ont lieu à la fin de l’hiver et au printemps, ce qui est seulement possible en raison de l’augmentation de la température de l’air. L’air chaud transporte de plus grandes quantités d’eau que l’air froid, créant ainsi des conditions propices pour recevoir d’importantes précipitations.
Figure 5 Température annuelle de surface du sol - La variation de la température de surface du sol (à une profondeur de 2 cm) suit grossièrement le même patron que la température de l’air puisque les deux sont déterminés par le réchauffement causé par la radiation solaire. Toutefois, les températures de surface du sol sont également influencées par la couverture de neige qui a de nombreux effets sur les variations de la température du sol. À l’automne et en hiver, la neige a un effet isolant alors qu’elle recouvre le sol. Par conséquent, les températures du sol peuvent être 10°C plus élevées que l’air (-20°C à -25°C vs. -30°C à -35°C, respectivement). Au printemps, lorsque la radiation solaire augmente, le manteau neigeux a l’effet inverse: il empêche les radiations solaires d’atteindre le sol. Ce faisant, le sol se réchauffe moins rapidement que l’air. Au début du mois de juin, lorsque la température de l’air augmente au-dessus de 0°C et lorsque la neige est complètement fondue, nous observons une rapide augmentation de la température de surface du sol puisque le sol, dorénavant libre de neige, est directement exposé aux radiations solaires et se réchauffe donc rapidement. La diminution de la température du sol dès la fin de la nuit polaire est similaire à celle de la température de l’air jusqu’à ce que les deux atteignent 0°C. À ce stade, la température de l’air continue de diminuer, mais la température du sol atteint un plateau autour de 0°C avant de poursuivre sa diminution. Ce plateau est couramment nommé la ‘période zéro’ (ou 'zero curtain effect' en anglais) et est une caractéristique des sols arctiques, aussi appelé pergélisol. Ce seuil correspond à la période à laquelle l’eau contenue dans le sol gèle. Ce processus de gel maintient la température du sol à 0°C et empêche une diminution plus importante de la température. Suite au gel complet de cette eau dans le sol, la température du sol peut atteindre des températures plus faibles.
Profil thermique des sols arctiques