La buse pattue est un rapace migrateur de taille moyenne (masse corporelle moyenne : 950 g chez les mâles et 1200 g chez les femelles) qui a une répartition circumpolaire. Bien que la buse soit connue pour consommer presque exclusivement des lemmings pendant la période de reproduction, elle peut aussi s’alimenter occasionnellement de proies alternatives telles que des passereaux, des lagopèdes, des canards et des lièvres. À l’Île Bylot, lorsque les populations de lemmings sont très faibles, très peu de couples de buses nichent, voire même aucun. Ceci suggère que ces proies alternatives ne sont pas suffisamment nombreuses pour soutenir, à elles seules, la reproduction de la buse sur l’île.
Écologie de la reproduction
Depuis 2007, nous suivons la reproduction de la buse pattue sur la plaine sud de l’Île Bylot sur une zone d’environ 500 km2 où plus de 100 structures de nids ont été recensés jusqu’à présent. Ces nids sont revisités à chaque année et des recherches systématiques sont également effectuées dans tous les habitats de nidification potentiels de la buse, soit le long des falaises, des ravins ou des affleurements rocheux, afin de repérer tous les nids actifs. Les cris d’alarme émis par les individus nicheurs lorsqu’un observateur ou un prédateur approche le territoire de nidification permettent de faciliter la localisation des nids actifs. Jusqu’à 42 nids sont trouvés actifs annuellement sur notre aire d’étude et ils sont suivis de façon régulière de la ponte jusqu’à l’éclosion et à l’élevage des jeunes à la mi-août.
Bien qu’à certains endroits sur son aire de répartition la buse construise son nid directement sur le sol, à l’Île Bylot la totalité des nids sont situés sur le bord de falaises, sur des pentes raides et sur des hoodoos (ou cheminées de fée), réduisant l’accès aux prédateurs terrestres comme le renard arctique. Pour construire son nid, la buse utilise des branches et des racines pour former une coupole atteignant 60 à 90 cm de diamètre. Comme la plupart des rapaces, la buse a tendance à réutiliser d’anciennes structure pour nicher année après année. Cette stratégie permet de réduire considérablement les dépenses énergétiques liées à la construction du nid, en plus de permettre d’économiser du temps à l’arrivée sur l’aire de reproduction pour commencer la ponte le plus rapidement possible. De plus, la faible abondance d’arbustes à l’Île Bylot rend le matériel nécessaire à la construction des nids plus rare. Un peu plus de 40% des territoires (zone utilisée par un seul couple nicheur à la fois) contiennent plus d’une structure de nid (1 à 4), mais une seule est utilisée à la fois. Ces autres structures peuvent toutefois être utiles en cas d’effondrement d’une d’entre elles à l’approche de la saison de reproduction. Étant donné le comportement territorial de la buse, la distance entre deux nids actifs est en moyenne de 3.3 km.
La buse initie la ponte rapidement après son arrivée à l’Île Bylot, soit entre la fin mai et la mi-juin (moyenne : 7 juin). Elle pond de 3 à 5 œufs, parfois même jusqu’à 6. Puis, 31 à 33 jours après la ponte du premier œuf, la première éclosion se produit (entre le 28 juin et le 21 juillet). Puisque l’incubation commence dès la ponte du premier œuf, l’éclosion est elle aussi décalée de 2 à 3 jours entre chaque œuf. À l’Île Bylot, le succès à l’éclosion (proportion des nids où au moins un œuf éclos) est relativement élevé (environ 80%). Une récente étude menée à l’Île Bylot a toutefois démontré que plusieurs facteurs tels que la disponibilité de nourriture, la distance entre un nid et celui d’un autre couple, la pluie et les caractéristiques physiques autour du nid influencent la probabilité de nicher, mais également le succès de reproduction. En effet, une abondance élevée de lemmings et la présence d’un surplomb au-dessus du nid contribuent à augmenter la probabilité de nicher et le succès de reproduction du couple. Le surplomb offre une protection aux nids, notamment contre les chutes de roches, la pluie et les vents forts. En revanche, un nid orienté vers le nord a moins de chance d’être utilisé car ce dernier est moins exposé au soleil et plus exposé aux vents froids et aux tempêtes ce qui a pour effet de diminuer le succès reproducteur. Un autre facteur important pour assurer un bon succès reproducteur chez la buse est d’avoir un nid localisé dans un endroit inaccessible par les prédateurs terrestres. Parmi les quelques nids ayant eu des échecs à l’Île Bylot, tous étaient accessibles et la majorité présentaient des signes de prédation par des renards.
Les données reliées à notre suivi de nidification des buses à l’Île Bylot sont disponibles sur NordicanaD.
La vulnérabilité des nids de buses aux changements climatiques
Une autre étude menée à l’Île Bylot a porté une attention particulière à la vulnérabilité des sites utilisés par les buses pour construire leur nid. Étant donné le réchauffement des températures en Arctique et le dégel du pergélisol, les nids situés sur des terrains plus instables risquent d’être affectés. L’étude a démontré que les étés plus chauds accompagnés d’un plus grand nombre de jours de pluie augmentent les risques d’effondrements d’un nid. En revanche, la présence d’un couvert végétal sur la pente où est localisé le nid réduit ce risque étant donné que la végétation aide à stabiliser le sol pendant les épisodes de pluie et lors du dégel de la couche active du sol. Finalement, le type de sol influence grandement la stabilité et les risques d’effondrement d’un nid. Un nid construit sur de la roche sédimentaire (principalement du grès) avec peu de fissures apparentes est l’endroit idéal pour un nid de buses. Toutefois, les chances d’effondrement augmentent si la roche possède plusieurs fissures et craques ouvertes ou si le nid est construit sur un sol déjà instable comme de l’argile, du sable ou du gravier. Les buses évitent toutefois de nicher dans ces milieux plus instables, même s’ils sont rarement la cause d’un échec de reproduction. Parmi les nids retrouvés effondrés dans notre aire d’étude entre 2007 et 2015, 17 étaient causés par une rupture de la pente, 3 par des chutes de roches et 3 par des conditions météorologiques extrêmes comme de vents forts.
Photos documentant la destruction de deux structures de nids de buses pattue (montrées dans les cercles blancs). La destruction de la structure (A) a été causée par une chute de roches en 2013 survenue entre (A1) le 14 juin et (A2) le 30 juillet. La destruction de la structure (B) a été causée par une rupture de la pente survenue entre (B1) juillet 2014 et (B2) juin 2015. Données de Breadsell et al. 2017, DOI: 10.1139/as-2016-0025. |
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